L'Humain d'abord

Chenu et frêle, il va. Si divinement dérisoire, si humainement émouvant, il chemine, ployé sous le faix d’un héritage à lui légué par une généalogie sans corps. Brimé dans cet espace incertain qu’on appelle la vie, il se rit parfois de la lune : c’est le cynique. Parfois il l’habite, c’est le poète ou le fou. Parfois il en mesure la circonférence : c’est le savant. Parfois il la contemple comme un mystère trop vaste, c’est l’agnostique. Parfois il s’en attribue la paternité : c’est l’artiste. Parfois il en questionne la réalité, c’est le philosophe. Parfois, il capture son éclat et s’en drape, en jouisseur égoïste. Mais parfois aussi, il veut l’offrir en partage à ses frères humains. C’est le militant.

Si la force d’attraction ramène constamment l’humain à sa nature terrestre, à l’excrément, aux lombrics, à l’oisive habitude du pas qui succède au pas, il n’en demeure pas moins secrètement un éternel conquérant de la lune.

Le plus simple de ses enfants, narguant l’orgueilleux penseur, détourne en chansonnettes sa chétive existence. « Il était un petit homme, qui s’appelait Guilleri, Carabi ;…, Titi Carabi, Toto Carabo, Compère Guilleri, te lairas-tu mouri’ ? ». « Auprès de ma blonde…qu’il fait bon dormir ». « Ah ! ça ira ! ». « Mon amant me délaisse, O gué, vive la rose, Je ne sais pas pourquoi, vive la rose et le lilas ». Clair babil. Verroterie chatoyante, plus limpide en son simple éclat, plus touchante en sa candide expression que toutes les gemmes taillées par l’esprit le plus aiguisé. Et ce même humain aime. Et ce même humain rêve, éternel gobeur de lune !

Tout humain naît, crie, rit, pleure et meurt. Le cri de l’humain ! Le rire de l’humain ! Le sanglot de l’humain ! Éternels et fraternels dénominateurs communs.

Vaquant modestement à sa besogne d’humain, dans la bigarrure de son manteau d’arlequin, en enjambées conquérantes, ou au rythme de l’orfèvre qui cisèle son œuvre, ou du pas de l’âne qui opiniâtrement va son train, il construit, détruit puis rebâtit le monde ; il l’acclame, s’exclame ou se tait.

Sa violence est mortelle. Son ignorance infinie. Son remords suspect et infécond. Mais son arrogance le porte à tutoyer les étoiles. Et dans son vain combat contre le temps, devant l’irrévocabilité de sa défaite, son rire qui taille des croupières au néant monte parfois jusqu’aux cieux, crève le ventre du paradis, répandant sur lui cette même vieille poussière d’or qu’on voit briller dans les yeux patinés des anges déchus.

L’humain est tout et partout. Nous sommes lui, il est nous. N’est-il pas de plus noble idéal, quand il peine à vivre dans sa centralité terrestre, que de l’aider à façonner son rêve de lune ici-bas ?


[Texte de Nathalie, 52 ans, Montreuil-sous-Bois (93)]


Pensée du jour

Hollande est plutôt vague,
Mais nous sommes la marée.

L'avenir vient très vite...

Je suis à moitié insomniaque voyez-vous, et j'adore la Science-Fiction. J'ai lu tous les livres de mes auteurs préférés, j'en ai même fait plusieurs fois le tour. Quand je me suis aperçue que je commençais à acheter une deuxième, voire une troisième fois les livres que j'avais déjà lus, mais dont j'avais oublié le nom, j'ai cherché une autre solution pour attendre le sommeil.

Le remède est venu du radiateur de ma chambre ! En panne, une nuit, il s'est mis à bourdonner. Un bruit léger et profond, mais parfaitement audible. Il fallait que je dorme. Je me suis dit, "Tiens, je vais penser que je suis dans un vaisseau spatial. Je suis partie vers d'autres mondes. Je suis sur la route". Le bourdonnement a trouvé un sens et moi, l'espace immense pour l'orner de jolis rêves.

Il faut que je vous dise une chose... Quand j'étais une gosse, je regardais le monde qui m'entourait, de mes yeux innocents. Sans pour autant comprendre les raisons, je voyais bien que les choses ne tournaient pas rond. Je me disais : "Ça passera. Ça changera parce que ça ne peut pas continuer comme ça". Je pensais à l'avenir. Et, souvenez-vous, à cet âge là, l'avenir paraît si loin. "Le temps que je grandisse, l'être humain avancera. Il est intelligent, il a du bon sens. Il comprendra. Il a juste besoin de temps pour réfléchir, se secouer, trouver la sagesse et son chemin. L'avenir sera beau. Le monde sera forcément meilleur quand je serai grande"...

Le temps passe vite. L'avenir devient rapidement l'aujourd’hui. Le réveil est rude. J'ai l'impression de m'être trouvée tout d'un coup adulte. Et mon monde était toujours ce même vieux et triste monde... Bien sûr que j'étais déçue... Si j'ai cherché un monde meilleur dans les livres d'anticipation, si mes rêves, antichambres du sommeil ont déménagés dans des vaisseaux spatiaux, ce n'est pas pour rien.

Alors voilà comment et pourquoi j'ai commencé à fabriquer des rêves de Science-Fiction dans mon lit. Je prends un vaisseau spatial, je pars découvrir des planètes où il fait bon vivre... Des mondes, bien différents de notre pauvre Terre, des peuples sages et aimants, au zénith de la conscience, vivant en bonne entente avec leurs semblables et leur environnement. Des êtres heureux, qui évoluent dans le partage des richesses aussi bien matérielles que naturelles, et intellectuelles. La communication limpide, la créativité débordante... Des êtres responsables et intelligents qui ont laissé tomber depuis longtemps l'ambition maladive, oublié l'individualisme, la possession, le pouvoir, la haine... Des humanoïdes ou d'autres créatures qui se réjouissent dans l'égalité, qui grandissent dans la fraternité et qui s'enrichissent de leur différences. Et moi, étrangère, je suis la bienvenue... Quel bonheur !

Je vous raconte tout cela pour vous dire ceci : depuis que j'ai mis le nez dans le Front de Gauche, cette jolie configuration de Mondes que j'avais imaginée ne me paraît plus à des années-lumière et mes rêves éveillés se passent bel et bien sur Terre !

Cette gosse que j'ai soigneusement gardée en moi est si heureuse de me voir dans la glace, de nouveau avec des yeux pétillant d'espoir... Je n'ai plus besoin d'aller si loin, ni d'échapper à la Terre. Parce qu'il est possible de changer les choses. Même si ce n'est pas tout de suite, ce sera pour nos enfants. On fait tout ce qu'on peut et on commence tout de suite, maintenant ! L'avenir vient très vite.


[ Texte et illustrations de Naz OKE, artiste/réalisatrice de 50 printemps, angevine, d'origine turque, vivant en France depuis 25 ans, rencontrée sur la page Facebook de Jean-Luc Mélenchon ]

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